Droit à la déconnexion : 1 occasion de râler et davantage de bonnes raisons de s’y intéresser
publié le 22/05/2017 par Cécile Garofoli dans 1 - Emploi des Cadres : Marché et Offres, Droit du travail, Equilibre Pro/Perso, Vie en entreprise/au bureau
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Le droit à la déconnexion est inscrit dans la « loi travail » du 8 août 2016 : elle instaure le principe de la mise en place d’une charte dans les entreprises de plus de 50 salariés. Elle invite, pour ce faire, à une à une négociation dans l’entreprise au cas par cas. Mais était-il utile d’ajouter cette contrainte à l’entreprise ?
Une occasion de râler
Le français aime légiférer : la transformation numérique, l’hyper connexion en particulier des cadres, les questions vie pro/vie perso … ont amené la France à être le 1er pays à instaurer un droit à la déconnexion. Non le salarié, même outillé par son entreprise, ne doit pas être connecté et donc joignable à toute heure. La loi El Khomri s’est emparée du sujet. Et voilà ! Une nouvelle contrainte pour l’entreprise ! Une « connerie » dirent même les invités de Simon Janvier dans l’émission Les Patrons flingueurs sur la Radio des Entreprises le 6 avril dernier !
Une fois ce sentiment posé, pourtant, des raisons de s’y intéresser apparaissent dans le débat de l’émission. Même constat partagé lors d'une session organisée par le social media club sur le thème de la Digital detox en avril dernier qui réunissait des collaborateurs de l’Apec, des salariés d’Orange, un dirigeant de startup qui propose des solutions d'accompagnement à la déconnexion Calldoor et des Chercheurs. Oui ! Le sujet est intéressant, l'échange mérite d’être de trouver sa place dans les entreprises et un consensus trouvé. Un prétexte à évaluer et suivre la transformation des organisations.
Des raisons de s’y intéresser
D’abord il s’agit d’un droit mou
Un droit mou ? Qu’est-ce que c’est ? C’est vrai que dit comme cela, reconnaissons que ce n’est pas très vendeur. La loi instaure le principe de la mise en place d’une charte dans l’entreprise. Cependant, si les parties prenantes ne parviennent pas à un accord, aucune sanction n’est prévue. Il s’agit donc d’une nouvelle contrainte mais elle reste limitée dans ce contexte. Mais à quoi ça sert-il alors ?
Une occasion de poser la question de l’hyper connexion des collaborateurs de l’entreprise
Bien sûr, on peut ignorer le phénomène, le reconnaître ou bien ne pas être en mesure de l’évaluer dans son entreprise. Et c’est peut-être là un point de départ. Je me méfie des généralités du type : tous les cadres aujourd’hui sont hyper connectés, la génération Y mêle vie pro/vie perso de façon décomplexée et ne veut plus être soumise à des horaires restrictifs ... La préparation de cette charte permet au contraire de faire le point sur les pratiques qui existent dans l’entreprise.
Tous les cadres sont-ils hyper connectés ? Qu’est-ce que cela signifie exactement ? Le ressenti est-il identique pour tous ? Bien sûr que non ! Ce serait trop simple. L’élaboration de la charte implique collaborateurs, managers, partenaires sociaux, direction. A eux de rédiger un document accessible qui fasse sens dans l'entreprise et pour ses collaborateurs, pas un texte générique.
Une organisation de l’entreprise qui se complexifie mais le phénomène préexistait
Quelques exemples à enrichir :
Avant internet , les cadres cloisonnaient vie pro / vie perso. Passée la porte du bureau, « le cadre d’avant » ne pensait plus à ses dossiers, n’emportait pas de travail à finir, ne discutait pas du « bureau » à la maison ou entre amis … Ah si ? En réalité, la technologie ne crée pas mais amplifie un phénomène de porosité entre vie pro et vie perso.
La génération Y mêle vie pro / vie perso de façon décomplexée et ne veut plus être soumise à des horaires contraints. Ah bon ? Toute une génération calée sur un même comportement et des aspirations identiques ? Simpliste non ?
Un cadre qui travaille le soir, voire la nuit, le weekend … Quelle souplesse a-t’ il d’organiser son temps de présence dans l’entreprise ? Arriver en fin de matinée ? Partir récupérer les enfants à la sortie de l’école à 16 h ? Pratiquer son sport favori en semaine de 14 à 15 h ? C’est ce qui se pratique facilement dans les pays du nord ? Mais chez nous en France ? Même tolérance ? Quelle implication sur l'organisation du travail d'équipe, le rôle du manager ?
Je suis manager et j’envoie un message à 22 heures à un collaborateur. Il en prendra connaissance et le traitera demain. Etes-vous sûr.e ? Car 78% des cadres se connecteraient à leur boîte mail avant d’aller dormir. Quel effet peuvent avoir ces mails hors temps de travail ? De nouveau, pas de réponse uniforme pour tous. Or une solution existe : l’envoi différé du mail. Chacun reste ainsi dans sa zone de confort. Le manager qui l’écrit au moment où il traite son problème, le collaborateur qui le reçoit dans son temps de vie pro.
Et les sous-traitants qui travaillent pour mes projets ? Sont-ils corvéables à merci ? Peuvent-ils être sollicités à toute heure en dehors d’une urgence vitale ?
Je laisse à vos claviers le soin de nous décrire d'autres situations vécues ... et régulées ... ou pas !
Pour moi, le droit à la déconnexion a le mérite de poser la question de la transformation des organisations, du rôle toujours plus complexe du manager qui gère des équipes protéiformes. Dans ce sens, je ne pense pas que ce soit une "connerie" de l'avoir introduit dans la loi. D'autant que l'obligation est faible (pas de sanction prévue). A chaque entreprise de faire de cette négociation un temps d'échanges, de diagnostic de rappeler des un cadre de bonnes pratiques et d'adapter des solutions parfois très simples, de bon sens, et parfois plus rigides allant jusqu'à la déconnexion des serveurs.
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